Réforme pénale - L'instruction vue par le Syndicat de la magistrature

"En Italie, le peuple défend ses magistrats jusque dans la rue"



Philippe Juillard est vice-président en charge de l'instance au TGI de Tulle et membre du syndicat de la magistrature (SM). Il n'a pas de mots assez durs pour dénoncer la suppression annoncée du juge d'instruction par la Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Un procureur aux mains des politiques en maître absolu de l'enquête ? Et si une autre solution existait ? Réponse en cinq mots clés.

 Rêve 

"Je fais le rêve d’un pouvoir qui aurait le courage de lâcher la main de sa justice, de la laisser grandir et de ne plus la considérer comme une enfant qu’il faut surveiller et punir. Et si cette enfant se comportait mal, le père pourrait toujours la reprendre par la main, car les juges ont toujours obéi aux lois, et c’est bien le minimum".

 Collégialité

"Il ne faut pas simplement maintenir un juge, mais des juges de l’instruction qui devraient travailler systématiquement à trois, comme on le fait pour de petites affaires (les comparutions immédiates et même en matière civile où il n’y a pas d’enjeu de liberté au sens propre). A trois on est toujours plus intelligents que tout seul. C’est ce que mon syndicat demande depuis des lustres et que la commission Outreau avait globalement admis. Cela devait s’appliquer en 2010. Il a suffit d’un trait de plume pour mettre à terre l’édifice."

 Réforme

"La vraie réforme serait de donner à ces juges d’instruction, les instruments de l’exercice de leur pouvoir, c’est à dire des policiers qui ne leur rendraient compte qu’à eux seuls et non au pouvoir exécutif. De nombreux policiers le réclament. Et les résultats dans la lutte contre la délinquance seraient immédiatement visibles."
 

 Francs-tireurs ?

"Que l’on cesse ne nous sortir la tarte à la crème du gouvernement des juges qui n’a jamais existé en France et n’existera jamais, car il suffit aux deux autres pouvoirs de promulguer des lois pour contraindre les magistrats, si ceux-ci devaient abuser de leurs pouvoirs. Historiquement je ne pense pas qu’on puisse me donner un exemple de coup d’Etat commis par des juges dans un pays démocratique."

 Indépendance

"Les magistrats ont besoin du soutien des citoyens. L'indépendance du juge garantit une justice égale pour tous. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai choisi ce métier. En Italie, le peuple descend dans la rue quand on attaque ses juges. En France on ne l’a jamais vu et c’est bien dommage car ce serait un sérieux avertissement pour ceux qui ne bafouent l’indépendance de la justice."