La vitrioleuse venge
son honneur putassier
François vivait rue Tranquille. Louise, rue de l’Enfer. Il était voyageur de commerce. Elle faisait commerce de son corps. Tous deux devaient se marier. Mais François s’est dédit. Alors, Louise l’a vitriolé. Comme un vulgaire maquereau…
Extraits de l'ouvrage de Laurent Derne Crimes et faits divers Périgord (Geste Editions, 200 pages, 19 euros), paru au printemps 2010.
[...] Vers vingt heures, [père et fille regagnent] la rue Tranquille, au pied de la cathédrale, où réside le quadragénaire. Dominant la ville, Saint-Front semble dresser vers le ciel des pis saillants de louve romaine. François se raidit. « Assure-toi qu’elle a bien quitté les lieux comme je lui ai demandé », supplie-t-il en tendant les clés de la maison. Marie fait grincer l’huis. Un pressentiment morbide lui noue les entrailles comme un étau le ferait d’une bille de bois. Elle s’engage à pas lents dans l’entrée quand soudain… Louise surgit.
Tapie dans l’ombre telle une veuve noire guettant sa proie, elle se jette dans la rue. « Sauve-toi papa ! Cours ! », hurle Marie en un réflexe désespéré. Mais en trois enjambées, la veuve a tôt fait de rattraper son amant et de lui jeter au visage une fiole d’acide sulfurique. Un hurlement déchire la tiédeur de l’été naissant. « Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Mon œil ! J’vois plus rien ! ça brûle ! A l’aide ! ». Tel un lombric extrait de la douce torpeur de ses ténèbres par un coup de bêche assassin, le malheureux se tortille de douleur à même les pavés. « Crève, charogne ! », crache la vitrioleuse avant de s’enfuir à toutes enjambées.
"Pas bon pour la veuve, ça !"
[...] Dans la salle, l’agitation règne. Chacun joue des coudes pour mieux apercevoir « le vitriolé ». Celui dont les médecins ont brossé le portrait d’une gueule cassée avant l’heure. « Si les brûlures extérieures ont aujourd’hui disparu de la face gauche de son visage, son œil est perdu. Sans espoir de guérison. La cornée n’existe plus et la partie supérieure de la conjonctive est venue adhérer à la paupière », a déclaré le docteur Chaume, quelques instants plus tôt à la barre, suscitant des grimaces de dégoût dans la salle. « Le globe de l’œil est toujours intact, mais sa fonction est supprimée de manière irrémédiable ». Pas bon pour la veuve, ça, avait songé un journaliste élégant aux favoris enneigés.
Pour quels motifs profonds, l'accusée avait-elle estropié l'objet de son affection en ce mois de juin 1884 ? Qu'advint-il de cette "veuve" à l'âme démoniaque ? Réponses dans Crimes et faits divers Périgord !
Laurent Derne